Catéchèse de S.E. Vincent Dollmann

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MINISTRE DE LA MISERICORDE DU PERE

 

 

 « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père » affirme le Pape François en introduction à la Bulle d’indiction pour cette année sainte ; et il poursuit : « Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier ». (1) La miséricorde n’est pas un concept parmi d’autres pour parler de Dieu et de l’expérience croyante. Non ! Dieu n’agit que par miséricorde, son Fils est venu révéler aux hommes le visage de Dieu, Père de miséricorde. (Je le rappellerai dans un premier temps)

Appelés et institués par pure miséricorde, les apôtres et leurs successeurs, les évêques et les prêtres, sont à la suite du Christ, signes et serviteurs de la paternité de Dieu. (J’aimerais approfondir avec vous cette réalité de notre ministère et en dégager quelques attitudes spirituelles et pastorales concrètes)

 

1. Dieu Père de miséricorde, le cœur de la révélation du Christ

 

Dieu, le Père

Dans la civilisation occidentale, la figure du père est contestée parce que les repères de l’autorité dans la société sont brouillés et que la structure familiale est malade. Nous pourrions alors être tentés d’éviter toute référence à la figure du Dieu Père. Mais, cela est impossible ! Dès l’expérience d’Abraham de l’intervention de Dieu dans l’histoire, le pressentiment de la paternité divine allait s’enraciner dans le cœur des croyants. Avec le Christ, Dieu se révèle comme Père, Père en lui-même. Et cette révélation constitue le socle sur lequel l’Eglise appuie sa foi en Dieu Trinité et en contemple sa profondeur inouïe.

Il s’agit bien d’une révélation et non d’une projection humaine sur la divinité, encore moins d’une déduction scientifique. Et cette révélation s’est faite dès l’Annonciation. Ainsi l’Ecriture nous indique que le Père envoya l’ange Gabriel, annoncer à Marie la naissance d’un enfant qui est désigné comme le Fils du Très Haut et dont l’engendrement aura lieu sous l’action de l’Esprit-Saint. (Lc 1,26; Mt 1,18; Ga 4,4-6). Et au Baptême de Jésus, le Dieu Trinité d’amour s’est manifesté publiquement. L’Esprit-Saint descendit sur Jésus, sous la forme d’une colombe et la voix du Père proclama : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur » (Mt 3,16).  

Avec Jésus, le terme père n’est plus une simple expression qui pourrait être remplacée par une autre, mais il désigne l’identité même de Dieu. Puisqu’il a un fils, il est père dans son identité la plus profonde. D’ailleurs Jésus s’adresse à lui en le nommant Père, Abba, Papa. Et ses derniers mots sur la croix sont une prière d’abandon et de confiance : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23,46).

 

Dieu, le Père riche en miséricorde (Ep 2,4)

Dieu a révélé son identité profonde de Père par Jésus son Fils unique, mais en accueillant cette révélation, il nous faut toujours nous rappeler que le nom ‘père’ attribué à Dieu transcende les catégories du monde créé. Nous récitons la prière dominicale selon l’évangile de saint Matthieu, avec l’expression « Notre Père qui es aux cieux, Notre Père céleste ». En écho à l’expression de saint Paul, dans la lettre aux Ephésiens, nous pourrions dire « Notre Père, riche en miséricorde » (Ep 2,4).

Cette affirmation était à l’opposé de la pensée ambiante de l’Antiquité qui considérait la miséricorde comme un sentimentalisme inutile, voire une maladie de l’âme. La révélation biblique va même lier l’affirmation de la transcendance et de la toute-puissance de Dieu à celle de sa miséricorde. Ainsi au Sinaï, Dieu se révèle une première fois comme présence providentielle et toute-puissante : « Je suis celui qui suis » (Ex 3,14). Et une seconde fois après la libération d’Egypte, Il passe devant Moïse, proclamant : « Le Seigneur, le Seigneur Dieu de miséricorde et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et fidélité, qui garde sa grâce à des milliers de générations, qui pardonne la faute, la transgression et le péché » (Ex 34,6-7).

Saint Thomas, dans la Somme théologique, résumera ainsi la révélation biblique : « Se montrer miséricordieux est regardé comme le propre de Dieu, et c’est là surtout que se manifeste sa toute-puissance » (II,IIq.30,a.4c).

 

Le don du Christ en croix constitue le sommet de la révélation dans l’histoire, de ce qu’est Dieu : Amour qui se donne, c’est à dire miséricorde. Dieu sauve par amour. Jésus l’indiquera la veille de sa mort : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).

Quand Jésus crie « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46, Mc 15,34), c’est cet amour sans limites qui se manifeste. Le Fils se met dans notre situation pour nous sortir du péché. Il accepte notre éloignement pour nous en sauver. Nul homme ne pourra désormais dire qu’il est abandonné de Dieu, même dans la situation la plus sombre d’une existence, il a été précédé par le Fils que le Père a envoyé.

La 2ème préface commune de notre Missel l’affirme avec une concision remarquable : « Vraiment il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant. Dans ta bonté, tu as créé l’homme, et, comme il avait mérité la condamnation, tu l’as racheté dans ta miséricorde, par le Christ, notre Seigneur ».

Pour le disciple, le chemin vers le salut de Dieu est le chemin de la miséricorde : Il est intéressant de voir que saint Luc a utilisé le terme ‘miséricordieux’ là où saint Matthieu avait l’adjectif ‘parfait’ : « Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6,36 ; cf. Mt 5,48). C’est possible puisque le Fils nous a précédés et nous a obtenu l’Esprit qui travaille le cœur de l’homme.

Cet Esprit reçu à notre baptême fait de nous des fils dans le Fils et des témoins du Père. Renouvelé dans le don de l’Esprit par le sacrement de l’Ordre, le prêtre est appelé à servir l’identité et la mission des baptisés et à attirer l’humanité dans l’amour du Père.

 

2. Le prêtre est signe de Dieu Père riche en miséricorde

 

La paternité ou la maternité est participation à la paternité de Dieu

Pour le Chrétien, l’exercice de la paternité et de la maternité, physique ou spirituelle, est une participation à la paternité de Dieu. « C’est de Lui que toute paternité tire son nom » affirme saint Paul dans la Lettre aux Ephésiens (Ep 3,15). Alors que l’application du terme ‘père’ à Dieu est couramment qualifiée d’anthropomorphisme, pour l’apôtre, l’usage du terme ‘père’ en ce monde est en réalité un ‘théomorphisme’, une sorte d’usurpation du nom divin. Dans le régime chrétien, le père biologique ou spirituel ne peut exercer sa mission qu’en dépendance de Dieu et qu’en participation à l’œuvre de Dieu. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la parole du Christ : « N’appelez personne votre Père sur la terre » (Mt 23,8-1).

 

La paternité spirituelle du prêtre, signe de Dieu Père de miséricorde

Dans sa première lettre aux Thessaloniciens, saint Paul comprend sa paternité spirituelle comme un service de l’engendrement et de la croissance spirituelle de l’Eglise. Il utilise en fait deux images, celle de la mère qui nourrit ses enfants et du père qui les enseigne. Il souligne par-là que l’exemple ne vient pas des hommes mais de Dieu. La paternité de Dieu s’exerce avec la profondeur d’un cœur de père et de mère. D’ailleurs dans les Ecritures, la miséricorde de Dieu est évoquée en référence à l’amour d’un père ou d’une mère, et cela pour en souligner leur dépassement en profondeur et en fidélité. Nous connaissons les paroles bouleversantes que le prophète Isaïe a transmises au Peuple infidèle : « Une femme oublierait-t-elle l’enfant qu’elle nourrit, cesse-t-elle de chérir le fils de ses entrailles ? Même s’il s’en trouvait une pour l’oublier, moi, je ne t’oublierai jamais » (Is 49,15).

Déjà dans l’Ancien Testament, les pasteurs sont appelés à être les témoins de la relation d’amour à la fois paternelle et maternelle de Dieu à l’égard de son Peuple. Ainsi durant la marche dans le désert, Moïse comprend qu’il doit calquer son comportement sur celui de Dieu. Il fera cette prière à un moment difficile : « Pourquoi fais-tu du mal à ton serviteur ? Pourquoi n’ai-je pas trouvé grâce à tes yeux, que tu m’aies imposé la charge de tout ce peuple ? Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple, est-ce moi qui l’ai enfanté, que tu me dises : porte le sur ton sein, comme la nourrice porte l’enfant à la mamelle, au pays que j’ai promis par serment à ses pères » (Nb 11,11-12).

Pour saint Paul, le ministère apostolique est vécu avec la même intensité, mais dans une perspective nouvelle. Il puise la force pour la mission dans la présence du Christ ressuscité et dans la puissance de son Esprit. Il aime se présenter comme l’apôtre du Christ (1Th 2,1).  Et son ministère n’a qu’un but : servir l’engendrement et la croissance spirituelle de l’Eglise en un lieu. Comme une mère à l’égard de l’enfant qu’elle chérit, le ministère apostolique consiste à soigner et nourrir le peuple dont il a la charge. Et comme un père, il encourage les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté à marcher selon les exigences de la vérité et du bien. Cela rejoint la réflexion d’un psychologue de l’éducation qui soulignait l’importance du lien entre les pôles de la tendresse et de l’autorité.

En vivant ainsi la paternité spirituelle, le prêtre contribue alors à faire émerger « le visage d’une Eglise qui redécouvre le ventre maternel de la miséricorde », selon l’expression du Pape François (Le nom de Dieu est Miséricorde, Conversation avec Andrea Tornielli, Robert Laffont, Presses de la Renaissance 2016, p. 74).

 

3. Le prêtre est au service de la fécondité de la miséricorde du Père : quelques repères spirituels et pastoraux

 

La filiation et la fraternité

Signe de la miséricorde du Père, le prêtre doit pouvoir en servir sa fécondité en l’expérimentant lui-même. Si la paternité n’existe qu’en participation à celle de Dieu, le seul et vrai Père, il s’agit pour nous de grandir dans la relation filiale qui est celle de tout baptisé. Il est à noter que l’apôtre Paul ne dit pas qu’il est père, mais comme un père pour les Thessaloniciens. Et si dans la lettre, Paul a recours au terme ‘fils’, ce n’est que pour la cohérence de l’image. Quand il parle des chrétiens, il utilise habituellement le titre de ‘frères’. Cela faisait dire à un prédicateur, en régime chrétien le père spirituel n’engendre pas des fils spirituels, mais des frères.

Ce n’est qu’en vivant la relation filiale à Dieu dans le Christ, relation d’obéissance et d’amour, que le prêtre évite les écueils du paternalisme. Il lui faut accueillir humblement « le doux miracle de nos mains vides » du curé de campagne de Georges Bernanos, pour exercer avec joie et fidélité sa paternité spirituelle (G. Bernanos Journal d’un curé de campagne Paris, Lettres françaises, 1983 p. 249).  

Cela nécessite un renouvellement de notre prière. Dans notre prière, nous nous confions facilement au Christ, et grâce au renouveau conciliaire et aux groupes charismatiques, nous invoquons plus facilement l’Esprit-Saint. Mais il est souvent plus rare que notre prière personnelle s’adresse à Dieu en le nommant : Père, Papa. Or Jésus, quand il enseigne ses disciples, il leur dit : « Quand vous priez, dites : Notre Père… ». De même, la prière liturgique de l’Eglise est enracinée dans celle du Christ tournée vers Dieu le Père.

Pour nous, la prière eucharistique, prière du Christ s’offrant au Père doit nourrir notre vie spirituelle. C’est elle qui nous permet jour après jour de nous ressourcer et nous renouveler dans la grâce de l’ordination et de nous façonner un cœur de père, à l’image du Père céleste.

De même le sacrement de la réconciliation est le lieu où j’expérimente la puissance de renouveau de la miséricorde divine. Elle me fortifie dans la certitude qu’en Dieu riche en miséricorde un commencement est toujours possible, pour nous, pour les autres.

A l’occasion du 70ème anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, j’ai pu lire un ouvrage sur le camp de Dachau où près de 3 000 prêtres issus de différents pays européens, ont été internés. 1 034 y laisseront leur vie ! Le Bienheureux Karl Leisner, diacre allemand y fut ordonné prêtre, par Mgr Piguet, évêque de Clermont-Ferrand, à l’insu des gardiens. Malgré les souffrances extrêmes et les frictions inévitables, il n’y eut parmi eux aucune défection ou abjuration de la foi. En 1975, trente ans après la libération, Kazimierz Majdanski, interné comme séminariste polonais et devenu évêque, devra témoigner devant l’un de ses bourreaux au tribunal de Munich. Sa conclusion est une hymne à la fécondité de la miséricorde divine : « J’exclus tout motif de haine ou de vengeance. J’ai pardonné à tous et j’ai exprimé mon pardon dans le testament rédigé en vue de ma mort, possible à chaque instant » (Guillaume Zeller, La baraque des prêtres, Dachau 1938-45, ed. Tallandier, 2015, p. 263-264).

La paternité spirituelle du prêtre trouve sa fécondité dans l’expérience de la paternité divine et de sa miséricorde. Comme chaque baptisé, le prêtre doit refaire sans cesse le chemin de conversion des deux fils de la parabole de la miséricorde. Alors que le père leur apparaissait comme un être sévère et économe, il se révèle comme le prodigue d’amour, comme celui qui a de la place dans son cœur pour les misères de tous ses fils. Pour être fidèles à notre ministère au service de la paternité divine, nous avons nous-mêmes à revenir sans cesse vers Dieu pour laisser brûler nos peurs et nos égarements dans son cœur de Père.

 

La paternité spirituelle, une attitude qui mobilise toute la personne

Dans la réflexion sur le ministère, saint Paul n’hésite pas à évoquer les difficultés et les épreuves. Dans la deuxième lettre aux Corinthiens où il cherche à défendre l’authenticité de sa vocation, il égrène à plusieurs reprises la liste des obstacles rencontrés et surmontés. Pour lui, les souffrances apostoliques sont une participation aux souffrances même du Christ et à la fécondité de sa Croix. Paul n’hésitera pas à affirmer : « Quoique vivants en effet, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus pour que la vie de Jésus soit, elle aussi manifestée dans notre chair mortelle. Ainsi donc, la mort fait son œuvre en nous, et la vie en vous » (2Co 4,10-12). Ainsi, servir la croissance spirituelle des hommes de ce temps, n’est pas une simple affaire de travail pastoral, mais une attitude du cœur où toutes les situations d’une existence peuvent trouver leur place même la maladie et la vieillesse.

Dans mon cheminement vers le sacerdoce, le témoignage du Pape Jean-Paul II m’a été d’un précieux soutien. Pour mes dix ans de sacerdoce, j’ai pu providentiellement concélébrer à la messe qu’il présidait dans sa chapelle privée. Je garderai ce souvenir du Pape à genoux devant l’autel, avant et après l’eucharistie. Durant sa maladie, il restait assis, et plus que jamais courbé comme le fut le Christ portant la croix pour le salut de toute l’humanité. Lui appelé le sportif de Dieu pour le déploiement de son activité pastorale, l’a été d’une manière plus intérieure par le déploiement de sa vie de prière au bout de son pèlerinage terrestre. D’ailleurs, ils sont nombreux les prêtres et les religieux qui ont vu naître leur vocation, non pas tant au contact de prêtres exemplaires dans l’activité pastorale, mais d’aînés révélant par leur prière et leur charité la présence et l’action de Dieu, Père de miséricorde.

 

La paternité spirituelle est centrée sur la rencontre des personnes

La paternité spirituelle selon l’apôtre Paul ouvre également une autre perspective, celle de la valeur des relations interpersonnelles. Le lien de Paul avec les différentes communautés qu’il a fondées est enraciné dans des relations personnelles. L’apôtre n’hésite pas à mentionner tel lien plus privilégié avec l’un des membres, il nomme des personnes. Pour lui la vie des communautés est bien la vie des personnes touchées par la grâce. Fidèle à l’enseignement de Jésus sur le bon pasteur qui connait ses brebis (Jn 10), Paul souligne dans ses lettres combien la croissance d’une communauté passe par la croissance spirituelle de chacun de ses membres.

Dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, le Pape François parle de la prédication personnelle qui incombe à chaque baptisé et donc également à nous, prêtres et évêques. Il n’hésite pas à donner des éléments très concrets, sans doute tirés de sa propre expérience pastorale : « […]le premier moment consiste en un dialogue personnel, où l’autre personne s’exprime et partage ses joies, ses espérances, ses préoccupations […] C’est seulement après cette conversation, qu’il est possible de présenter la Parole […] Parfois le message s’exprime de manière plus directe, d’autres fois à travers un témoignage personnel, un récit, un geste, ou la forme que l’Esprit Saint lui-même peut susciter en une circonstance concrète. Si cela semble prudent et si les conditions sont réunies, il est bon que cette rencontre fraternelle et missionnaire se conclue par une brève prière qui rejoigne les préoccupations que la personne a manifestées. » (EG n. 128).

La charge de travail et l’animation de communautés et de groupes ne doivent pas nous faire oublier la valeur de la rencontre personnelle. Dans mes visites pastorales, les curés et leurs collaborateurs sont attentifs à me faire découvrir les nombreuses structures, mais j’estime beaucoup les moments où ils me font rencontrer tel malade, telle famille qui porte le souci d’un climat chrétien ou qui doit faire face à une épreuve. Comme nous le rappelle souvent le Saint-Père, l’attention aux personnes doit être portée en premier lieu à l’égard des plus pauvres ; l’épisode de l’obole de la veuve est une leçon adressée à ceux qui ont des responsabilités. Le prêtre doit pouvoir accueillir de la même façon, avec autant d’attention le riche comme le pauvre, le diplômé comme le manuel. Un manuscrit de Salzbourg datant du Moyen-Âge propose cette belle méditation : « Un prêtre doit être un serviteur pour les timides et les faibles. Qui ne s’abaisse pas devant les puissants, mais se courbe devant les faibles ».

 

4. Conclusion, ‘le prêtre, un homme sur le champ de bataille, une mère pour réconforter’ (Manuscrit de Salzbourg)

 

Dans le contexte actuel de la crise de l’autorité et de la figure du père, les  derniers papes illustrent admirablement le ministère de la paternité divine. Benoît XVI a cherché avec tendresse et fermeté à mener les chrétiens à la source de la foi et à redonner au ministère ses repères spirituels. A l’annonce de l’année du sacerdoce, il partageait ainsi sa préoccupation : « chaque prêtre doit être bien conscient d'apporter un Autre, Dieu lui-même, au monde. Dieu est l'unique richesse que, en définitive, les hommes désirent trouver dans un prêtre » (Discours à l'Assemblée plénière de la Congrégation pour le clergé, 16 mars 2009).

Et le Pape François nous en donne un témoignage de vie éloquent. Il n’a de cesse d’aller à la rencontre des plus pauvres pour leur manifester la présence miséricordieuse de Dieu, et traduit ce souci par l’exigence d’une vie sobre et enracinée dans la prière. Je me souviens d’une audience qu’il a accordée à une cinquantaine d’évêques du monde entier, réunis pour un ressourcement spirituel et fraternel à Castel Gandolfo. Nous devions être au Vatican pour 9 heures. Avant de nous donner son message, il nous dit : « Vous avez dû vous lever bien tôt pour votre oraison ce matin ! ». J’avoue qu’à part la prière des laudes dans le bus, je n’avais pas encore prié beaucoup.

Un tel pape comment ne pas l’aimer ! Comment ne pas prier pour lui afin qu’il demeure par sa douceur envers les petits et son exigence envers les forts, un apôtre de la miséricorde divine ! Et puissions-nous le devenir à notre tour !
Un prêtre doit être, comme le conclut le manuscrit de Salzbourg évoqué plus haut :

Un mendiant aux mains largement ouvertes,

Un porteur de dons innombrables,

Un homme sur le champ de bataille,

Une mère pour réconforter les malades,

Avec la sagesse de l’âge et la confiance de l’enfant.

Tendu vers le haut, les pieds sur terre,

Fait pour la joie,

Connaissant la souffrance,

Loin de toute envie, clairvoyant,

Parlant avec franchise,

Un ami de la paix,

Un ennemi de l’inertie,

Constant à jamais.

 

 

+ Vincent DOLLMANN

Evêque auxiliaire de Strasbourg